Réaction en chaîne par polymérase (PCR)
A Technical Guide to PCR Technologies
La réaction en chaîne par polymérase (PCR)1,2,3 est devenue l'une des techniques les plus couramment utilisées en biologie moléculaire. On l'utilise dans des applications allant de la recherche fondamentale au criblage à haut débit. Bien qu'il s'agisse d'une technique puissante, son adoption universelle et la diversité de ses applications sont dues à sa simplicité apparente et à son coût relativement faible. Cette technique est utilisée pour amplifier des fragments d'ADN cible spécifiques à partir de petites quantités d'ADN ou d'ARN source (après une étape de transcription inverse permettant de produire de l'ADN complémentaire (ADNc), voir Transcription inverse). L'un des principaux avantages de la PCR réside dans le fait que les séquences cibles peuvent être amplifiées à partir d'une seule copie du matériau de départ, même si la matrice est dégradée et contaminée par des inhibiteurs. Exemple : des études ont été réalisées à partir d'ADN prélevé sur des momies datant de l'Égypte ancienne, et ce, afin d'identifier les membres de la famille du pharaon Toutânkhamon4. On retrouve même la PCR dans de grands films et dans la plupart des séries télévisées policières à un moment ou à un autre de l'enquête, même si elle est quelque peu romancée.
Protocole de thermocyclage de la PCR
Habituellement, une PCR comprend les étapes suivantes :
- Dénaturation initiale : la température de la réaction est portée à 95 °C et l'échantillon est incubé pendant 2 à 5 minutes (jusqu'à 10 minutes en fonction des caractéristiques de l'enzyme et de la complexité de la matrice) afin de garantir la séparation de toutes les molécules complexes d'ADN double brin (ADNdb) en simples brins en vue de leur amplification.
- Thermocyclage :
- Dénaturation : la température de la réaction est portée à 95 °C afin de faire fondre (autrement dit, casser les liaisons hydrogènes entre les bases complémentaires) l'ensemble des brins d'ADNdb en ADN simple brin (ADNsb).
- Hybridation : la température est abaissée pour la porter à environ 5 °C en-dessous de la température de fusion (Tm) des amorces (souvent 45–60 °C) afin de favoriser la liaison des amorces à la matrice.
- Élongation : la température est portée à 72 °C, ce qui constitue les conditions optimales pour l'activité ADN polymérase afin de permettre l'élongation des amorces hybridées.
- Dénaturation : la température de la réaction est portée à 95 °C afin de faire fondre (autrement dit, casser les liaisons hydrogènes entre les bases complémentaires) l'ensemble des brins d'ADNdb en ADN simple brin (ADNsb).
- Répétition : on exécute les étapes 1 à 3 de manière cyclique, ce qui entraîne une amplification exponentielle de l'amplicon (Figures 2.1 et 2.2).
La PCR est constituée de cycles de chauffage et de refroidissement de la réaction. Chaque plateau de température est utilisé pour contrôler une étape bien définie de la réaction, et les durées d'incubation dépendent de l'instrument, des plaques ou des tubes de réaction et des réactifs utilisés. Ces derniers doivent être optimisés pour chaque expérience, notamment si une meilleure sensibilité de détection est nécessaire5.
La phase de dénaturation initiale consiste en une période où la température est élevée, au cours de laquelle la structure secondaire de l'ADN double brin (ADNdb) complexe est fondue pour devenir de l'ADN simple brin (ADNsb). L'ADN étant soumis à une température élevée, cette phase doit être suffisamment longue pour séparer tous les brins afin qu'ils soient disponibles pour l'amorçage, mais pas trop longue pour ne pas endommager l'ADN. Toute dégradation de l'ADN pendant les étapes de dénaturation initiales (ou ultérieures), ou toute dégradation incomplète, entraîne une diminution de la sensibilité de détection5.
Pendant l'étape de dénaturation assez courte qui démarre le cyclage (10 s à 1 min à 95 °C), les brins d'ADN de la séquence cible se séparent pour former des simples brins, tout comme pendant l'étape de dénaturation initiale. La réaction est ensuite refroidie pour la porter à la température d'hybridation des amorces.
L'étape d'hybridation des amorces (30 s à 1 min à une température comprise entre 45 °C et 60 °C) est nécessaire pour que les amorces se lient à la séquence complémentaire sur chacun des simples brins d'ADN. Les amorces sont conçues de telle sorte qu'elles encadrent la cible d'intérêt ;la région de la séquence qui se trouve entre elles est appelée l'amplicon. Généralement, on estime que la température d'hybridation des amorces est inférieure de 5 °C à celle de la température de fusion du duplex amorce-ADN matrice.
La dernière étape est l'étape d'élongation (20 s à 1 min à 72 °C), qui est réalisée de manière à ce que l'ADN polymérase allonge les séquences d'amorces à partir de l'extrémité 3' de chaque amorce jusqu'à l'extrémité de l'amplicon. Habituellement, une élongation d'une minute suffit pour synthétiser des fragments de PCR allant jusqu'à 2 kilobases (kb). Pour amplifier des fragments plus grands, l'étape d'élongation est prolongée à hauteur de 1 min par kb. Au cours de la première élongation, la matrice ne sera pas limitative en longueur, et, ainsi, ce sont des matrices dont la longueur dépasse celle de l'amplicon qui seront synthétisées. Lors des étapes d'élongation ultérieures, la longueur de l'amplicon sera définie par la séquence d'amorce à chaque extrémité.
Figure 2.1Diagramme des différentes réactions impliquées dans une PCR typique.
Figure 2.2Lors d'une PCR, théoriquement, la quantité d'amplicons cibles double à chaque cycle, ce qui entraîne une amplification exponentielle de la séquence cible (l'axe des X affiche les cycles de PCR et l'axe des Y affiche le nombre total de molécules d'amplicon).
Au début du deuxième cycle, deux formes de matrices sont impliquées dans la réaction : les brins d'ADN d'origine et les brins d'ADN nouvellement synthétisés, constitués de la séquence d'amorce suivie par des longueurs variables de l'amplicon allongé au niveau de l'extrémité 3'. Les brins d'ADN d'origine restants qui n'ont pas été amorcés lors du premier cycle peuvent alors être capturés lors du deuxième, et il en résulte des molécules constituées par l'amorce et le produit de l'élongation. Les molécules issues du premier cycle et qui ont été amorcées et allongées constitueront les matrices des amorces qui sont complémentaires du matériau nouvellement synthétisé.
Lors du troisième cycle, l'ADN de la région cible nouvellement synthétisé issu du deuxième cycle ne contient que l'amplicon, et, par conséquent, c'est lui qui devient la matrice spécifique.
Le cyclage est répété en continu, ce qui entraîne une amplification exponentielle des séquences copiées (Figure 2.2). Le nombre de cycles nécessaires dépend de la quantité de produit de PCR souhaitée. À son tour, ce dernier dépend du nombre de copies de départ initiales et de l'efficacité de l'amplification. Étant donné que la concentration relative du matériau de départ par rapport au produit final est extrêmement faible (p. ex. 1/5,511 lorsqu'une seule molécule est soumise à 40 cycles d'amplification, avec une efficacité de 100 % obtenue à chaque cycle, Figure 2.1), l'ADN qui en résulte à l'issue de la réaction est presque exclusivement l'amplicon de la PCR.
Même si la PCR théorique entraîne une amplification exponentielle continue, la réaction finit par atteindre une phase plateau. Il s'avère que ce phénomène est imputable à la liaison non spécifique de l'ADN polymérase avec les produits de l'ADN6,7. Cela est clairement visible lorsqu'une PCR quantitative en temps réel (qPCR) est employée et que les changements de marqueurs fluorescents sont contrôlés (voir PCR quantitative).
À l'issue de la réaction, les produits de l'amplification sont analysés par le biais d'une électrophorèse sur gel. En fonction de la quantité produite et de la taille du fragment amplifié, les produits de la réaction sont directement visibles en colorant le gel avec du bromure d'éthidium (Figure 2.3) ou à l'aide de colorants plus récents, tels que BlueView™ 8.
Figure 2.3Exemple de produits de PCR classique séparés sur un gel d'agarose coloré au bromure d'éthidium. Une PCR en duplex a été réalisée dans le but de détecter 2 cibles simultanément, chacune différant par la taille. Ces deux fragments peuvent être vus comme des bandes distinctes (image reproduite avec l'aimable autorisation de Marion Grieβl).
Constituants d'un test de PCR
Vous trouverez ci-dessous un résumé des éléments nécessaires à la réalisation d'une PCR. La plupart d'entre eux sont décrits en détails dans des chapitres qui leur sont consacrés, ainsi que dans les protocoles de PCR standards détaillés à la fin du présent guide (Annexe A).
Matrice
Il existe plusieurs méthodes de purification de l'ARN et de l'ADN. Même si toutes sont efficaces, elles ne sont pas identiques. Une contamination de la matrice par d'autres matériaux provenant de la source de l'échantillon peut entraîner une inhibition de la PCR et, dans des cas extrêmes, un échec total du test. Il existe des exemples qui prouvent que les contaminants peuvent même améliorer la réaction9,10. Voir Purification des échantillons et évaluation de la qualité pour obtenir davantage de détails sur la purification de la matrice et le contrôle de la qualité, et Transcription inverse pour obtenir des informations sur les réactions de transcription inverse (RT). Habituellement, on ajoute de 10 ng à 1 μg d'ADN génomique (ADNg) à 20–100 μl de test PCR, alors que les réactions de synthèse de l'ADNc sont dilués à hauteur de 1/5e à 1/10e et que l'on ajoute 5 μl aux réactions de 20–50 μl.
Amorces
Habituellement, les amorces d'oligonucléotide affichent une longueur de 15–25 nucléotides avec 40–60 % de GC et une Tm similaire pour chaque membre de la paire. Une méthode simple permettant d'évaluer la Tm des oligos courts (< 25 bases) consiste à utiliser la formule11 :
Tm = 4(G + C) + 2(A + T)
Voir Conception des tests PCR/qPCR/dPCR pour obtenir davantage de détails sur la conception et le traitement des amorces. On estime que la température de départ idéale pour l'hybridation des amorces est inférieure de 5 °C à celle de la température de fusion. La température d'hybridation des amorces peut être optimisée à l'aide d'un bloc PCR à gradient de température. Un protocole d'optimisation de la température (avec la qPCR comme exemple) est présenté en Annexe A.
ADN polymérase
Il existe toutes sortes d'enzymes ADN polymérase, et il est essentiel de sélectionner l'enzyme la mieux adaptée à l'aide de la définition de l'expérience (et pas uniquement parce qu'une enzyme donnée est présente dans le congélateur du laboratoire). Par exemple, certaines enzymes ont été conçues pour être inactives à basses températures, et elles sont utilisées dans des protocoles avec démarrage à chaud afin de réduire l'amplification non spécifique, alors que d'autres affichent des taux d'erreur faibles et sont choisies pour l'amplification de fragments en vue d'un clonage.
dNTP
La concentration de chaque dNTP (dATP, dCTP, dGTP, dTTP) lors de la PCR est habituellement de 200 μm. Toutefois, la concentration en dNTP doit être en excès et peut devoir être augmentée pour l'amplification de fragments longs ou de cibles très abondantes. Récemment, les composants des tampons de PCR ont bénéficié d'améliorations, telles que les dNTP CleanAmp™12. Il s'agit de nucléosides triphosphates modifiés qui bloquent l'incorporation des nucléotides par l'ADN polymérase. Les dNTP CleanAmp™ sont activés par l'étape de chauffage initiale et les étapes de dénaturation qui s'ensuivent quand les conditions habituelles de cyclage à démarrage à chaud sont réunies. Ce procédé limite la quantité de dNTP activés disponibles pendant chaque cycle de PCR, ce qui permet d'obtenir une amplification plus spécifique et plus efficace du produit désiré. À leur tour, ils réduisent, voire évitent totalement les erreurs d'amorçage ou la formation de dimères d'amorce, et ils constituent ainsi une alternative aux ADN polymérases à démarrage à chaud.
Concentration en MgCl2
Des ions Mg2+ libres sont nécessaires pour faire office de co-facteur pour l'activité de l'ADN polymérase. Cependant, ces ions Mg2+ forment des complexes avec les dNTP, les amorces et les matrices d'ADN. C'est la raison pour laquelle il faut sélectionner la concentration optimale en MgCl2 pour chaque expérience en testant les réactions contenant différentes concentrations. La concentration en MgCl2 se situe habituellement entre 1,5 et 5,5 mM, mais on peut réaliser des essais dans la plage allant de 1 à 8 mM pendant l'optimisation (voir Optimisation et validation des tests).
Marqueurs fluorescents
Des colorants fluorescents sont incorporés à la réaction lorsqu'il s'agit de détecter directement l'amplicon, comme lorsqu'on utilise une installation de qPCR ou de PCR numérique (dPCR). Ils sont inclus dans le tampon, ou bien fixés aux amorces ou aux sondes supplémentaires (voir Méthodes de détection en PCR quantitative et numérique).
Instruments
À l'origine, une procédure de PCR nécessitait beaucoup de travail, car il fallait faire passer physiquement les tubes d'un bain à l'autre à 3 reprises, chacun de ces bains étant réglé à la température nécessaire à la dénaturation, à l'hybridation des amorces et à l'élongation. On ajoutait de l'huile au-dessus de la réaction afin d'empêcher l'évaporation, et l'analyse était difficile à réaliser sans que l'huile n'interfère. Aujourd'hui, il est courant d'utiliser l'un des nombreux instruments de cyclage thermique (thermocycleurs) spécialisés disponibles dans le commerce. Les formats des plaques et des blocs varient entre 48, 96 et 384 puits, et ils sont compatibles avec les pipettes multicanaux. La plupart d'entre eux ont recours à un couvercle chauffant qui rend inutile l'utilisation d'une couche d'huile. Toutefois, il existe des instruments à haut rendement basés sur le principe d'origine du bain-marie13.
Modifications de la PCR spécifiques de différentes applications
Différentes dérivations de la PCR nécessitent des modifications de la réaction. Certaines de ces modifications destinées à des applications courantes sont incluses ici.
Clonage
La PCR peut être utilisée pour amplifier des séquences sélectionnées afin de les insérer dans un vecteur. Ces séquences peuvent être modifiées pour inclure des régions spécifiques (queues) pour la reconnaissance de l'enzyme de clonage Des amorces dirigées vers le vecteur sont utilisées pour isoler des fragments qui ont déjà été clonés dans des vecteurs. Une ADN polymérase à faible taux d'erreur est nécessaire pour les étapes de la PCR.
Sites de marqueurs de séquence
Ils sont incorporés à l'extrémité 5' des amorces et utilisés lors du séquençage à haut débit, lorsqu'on a besoin d'un marqueur spécifique comme indicateur de la présence d'un segment particulier d'un génome d'échantillon spécifique dans un clone sélectionné, de sorte que l'on puisse déconvoluer les informations sur la séquence génomique et l'attribuer à l'échantillon source d'origine.
Mutagénèse dirigée
Pour pouvoir étudier la fonction des protéines, on peut introduire une mutation souhaitée dans une séquence d'ADN. Le changement de base souhaité est incorporé dans les amorces (vers l'extrémité 5'), qui contiennent également les sites de restriction de l'enzyme de clonage nécessaire. Une autre approche consiste à adopter un protocole en plusieurs étapes dans lequel des amorces spécifiques de la cible et contenant les sites de clonage sont utilisées en conjonction avec des amorces contenant la mutation souhaitée.
Références
Pour continuer à lire, veuillez vous connecter à votre compte ou en créer un.
Vous n'avez pas de compte ?